Les mots d’un enseignant : impact de plomb ou jolie paire d’ailes pour le jeune apprenant ?

Assis derrière son bureau ou debout près du tableau, novice ou sagement expérimenté, homme de sciences ou lettré, il est celui qui détient la connaissance. L’enseignant. D’ailleurs, n’a-t-on pas autrefois utilisé à son égard le mot « Maître » à l’école ?

Bien que la société actuelle le malmène plus qu’avant, que parents et enfants semblent d’avantage l’affronter, il reste celui qui sait et qui, par le bulletin, va juger. Ses mots, ses gestes restent donc autant craints que recherchés par l’élève, même le plus provocateur d’entre tous. L’enseignant a-t-il conscience de cet impact qu’il possède encore ? Il est fréquent de constater que non.

Iris * et les animaux

Je me souviens de ce samedi où je suis allée donner mon cours de soutien à Iris*. Depuis quelques mois, elle était en classe de CM2. Dès la rentrée de septembre, l’institutrice avait été informée du trouble dont elle souffrait, la dyslexie. Mais elle s’adaptait peu aux difficultés de l’élève. Ce jour-là, je me souvenais d’un exposé qu’elle devait préparer sur les félins d’ici et d’ailleurs. Je lui ai donc demandé si elle avait avancé. Passionnée des animaux, j’étais certaine que ce travail allait être vecteur de plaisir. Mais Iris* a baissé la tête, ses cheveux bruns tombant en rideau devant ses yeux.

« D’une voix faible, elle a murmuré qu’elle avait peur de faire son exposé devant les autres. »

Son regard a fugacement croisé le mien, ourlé d’un voile sombre et triste. Quelques jours auparavant, en classe, l’institutrice avait listé les exposés à venir et, ce faisant, avait précisé qu’Iris* ne lirait pas le sien car elle était trop lente pour cela. Iris* avait gardé ses larmes. Mais à présent que je lui redemandais, toute la peine remontait. Depuis trois ans, elle tentait de vaincre sa peur de lire à haute voix. En quelques mots, l’enseignante avait tout balayé.

Iris* ne voulait plus, plus jamais. Même s’il s’agissait de parler d’un sujet qu’elle aimait bien. Je lui ai alors parlé doucement, lui expliquant qu’elle pouvait raconter ces animaux sans lire. Les séances suivantes, j’ai amené des images des félins du monde, que nous avons ensemble déposées sur un planisphère. Elle a travaillé son exposé en s’appuyant sur cet outil afin mémoriser ses textes sans avoir à les lire. Mais il en fallut beaucoup, des jours et des semaines, pour rattraper cette phrase sibylline.

« Pourtant il suffit de peu pour, au contraire, faire d’une parole ou d’un sourire un véritable tremplin. »

Marie * et la trygonométrie

Ainsi Marie* avait de grosses difficultés en mathématiques. Elle était lycéenne et avait choisi la section scientifique. Mais, à ses yeux, la trigonométrie ressemblait vraiment à une langue indéchiffrable. Chaque leçon était presque redoutée. Son professeur, conscient de ses difficultés, lui proposa un jour de rester un peu plus afin de lui faire un petit cours particulier. Il prit le temps de lui réexpliquer jusqu’à sentir que le sujet, pour l’élève, prenait enfin sens. Le lendemain, il eut à nouveau la classe de Marie* sur la trigonométrie. Un exercice posait quelques difficultés à plusieurs élèves. Sachant qu’il s’agissait d’un point que Marie* avait compris la veille, il lui proposa de venir expliquer elle-même. Ce qu’elle fit, encouragée par le sourire bienveillant de l’enseignant. Par cette attitude positive, il lui fit comprendre qu’elle était capable et lui offrait de ressentir un mot oublié : la fierté. Celle-ci lui permit de trouver courage et motivation pour persévérer tout au long de l’année.

« Par cette attitude positive, il lui fit comprendre qu’elle était capable et lui offrait de ressentir un mot oublié : la fierté. »

L’enseignant est un être humain, un professionnel qui se débat avec le modèle que l’éducation nationale lui impose. Aussi a-t-il le droit d’être parfois désabusé, frappé dans sa vie privée, mais il devrait se rappeler ce qu’il est avant tout, pour ces jeunes assis devant lui. Qu’il ait face à lui des enfants ou des adolescents, il regarde des êtres en devenir, encore fragiles, influençables, malléables. Il est l’adulte, celui qui se doit d’être responsable. Il est le sachant, celui, donc, qu’on croit, que ces jeunes croient…

 

Oui, professeurs des écoles, de collèges ou de lycées, n’oubliez pas que vos mots, votre intonation, l’éclat de votre regard posé sur eux, l’expression de votre visage ont, encore aujourd’hui, une longue portée. N’oubliez pas qu’ils restent longtemps gravés dans ces esprits encore verts et dans ces cœurs à peine éclos. Alors, même dans les situations délicates, accordez à ces jeunes le bénéfice du doute, celui de leur jeunesse. Et, de votre hauteur d’adulte, préférez qu’ils soient des ailes pour les aider à l’envol plutôt que des lests qui longtemps les feront courber.

 

* Les noms des élèves ont été modifiés.

Claire Bovyn, 35 ans et chef de projet SI dans un centre de formation pour adultes.

 

2 commentaires

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